Un autre texte... dans un style encore différent...

je suis partie d'un petit bout d'idée que j'ai laissée se dérouler... pour écrire
ça juste le temps de le taper...

Emois en moi


C'est étrange le silence… la plupart du temps on souhaiterait l'entendre, l'écouter, le déguster comme une mignardise, dans les moments de stress on l'appelle parce qu'il apaise… une petite bénédiction, une respiration… une aspiration.

Mais là il me pèse ce silence…

Je regarde la grosse horloge au mur… mais malgré sa taille, aucun tic tac n'accompagne les tressautements de sa trotteuse qui joue à saute mouton avec les secondes.

Mince ! J'ai failli sursauter… et c'est maintenant une grosse goutte de sueur qui me chatouille la tempe avant de dévaler ma joue… ce serait drôle qu'elle fasse un petit bruit qui résonne en tombant à terre… comme dans les films à suspense…

Dire que je viens juste de faillir mourir parce le gros pachyderme à gauche n'a pas pris la peine de prévenir avant de tousser avec tant de brutalité… on voit bien que c'est pas lui qui est à ma place… quelle grosse andouille !

Et pourquoi moi d'abord ?

C'est vrai… je ne suis personne… enfin je veux dire personne qui ne se fasse remarquer… je suis habillé passe-partout, certaines filles me prêtent un sourire charmeur… mais là personne ne justifiait que je le dégaine… je ne suis ni jeune ni vieux, ni maigre ni gros, ni vraiment laid mais pas franchement beau non plus… pourquoi moi enfin ?!

Pourquoi pas la grande bécasse blonde du fond avec ses lèvres surdimensionnées et ses seins gonflés à l'hélium ?...

Ah ben oui… que je suis bête… la poupée gonflable on la prend juste pour le décorum… et l'autre il a pas l'air d'avoir envie de jouer là…

Tiens c'est bizarre…

J'ai toujours été persuadé que je n'avais pas peur de mourir…

Alors pourquoi est-ce que je fais des efforts surhumains pour ne pas trembler… c'est pas facile en plus… et puis s'il fallait que je parle, je ne suis pas certain d'être capable d'y arriver… j'ai mal aux joues tellement j'ai les mâchoires verrouillées par la tension…

Mourir ça doit être dur quand même… pourvu que ça ne fasse pas mal !

Finalement c'est plutôt que je n'ai pas l'angoisse de quitter ce monde… partir pour un autre ailleurs…

Non pas que je ne m'y plaise pas dans ce monde, et puis ça me fait de la peine pour ceux qui m'aiment… ma mère… la pauvre, elle ne s'en remettrait pas… Luc, François, Victor… les inséparables… purée si ça continue je vais me prendre pour Brassens avec ses Copains d'abord…

Il y a Emilie aussi… je l'imagine… en larmes, inconsolable, une main crispée sur le cœur et l'autre sur mon cercueil… comme ce serait émouvant… comme elle serait belle… encore une fois…

Le départ, c'est toujours plus dur pour celui qui reste sur le quai…

Parce que moi, finalement, une fois arrivé, je ne souffrirais pas là où je serais… enfin j'espère…

Non… bien sûr que non… j'ai toujours été bon garçon… on va pas en enfer pour quatre bonbons et trois cerises chipée alors qu'on avait encore l'âge de courir avec des genoux couronnés sans se soucier de l'inclinaison de sa mèche sur le front !

Tiens ça me fait du bien finalement de penser à ces trucs pourtant pas drôles…

Drôle… je serais presque curieux de savoir ce qu'il y a de l'autre côté…

Un paradis… une autre vie ?...

J'aurais presque envie de sourire… combien mon bon moi pourrait bien peser dans la balance de Dieu… s'il existe ?

Bonne occasion de vérifier tiens !...

Et puis, si en fait il n'y a rien… ben y'a rien… plus de problème, plus de peur… plus de douleur… rien quoi… pas de quoi paniquer !

Panique... si justement, il y a de quoi là !

Pourquoi moi ?

Pourquoi pas la bourgeoise avec son sac à quatre mille et son parfum écœurant ou le péquenot à côté d'elle ?...

C'est un manuel, ça se voit à son tee-shirt souillé et ses gros souliers de sécurité tâchés… son pantalon plein de poussière et ses grosses mains de galère…

Mais de quel métier ?

Hmm… tâches de vernis, poussière de bois, mètre de charpentier dans la poche… ébéniste ou menuisier sans doute…

Et pourquoi pas l'agent de sécurité ?

C'est vrai ça ! Il est payé pour ça cet abruti !

En plus l'autre l'avait à sa poigne quand il lui a démonté la tronche d'un coup de crosse !

Mais non… C'est moi !

A moi que le bout glacé de son arme brûle la tempe tel un crotale prêt à me foudroyer d'un fulgurant jet de plomb !

Moi qui suis à genoux, moi que tout le monde observe du coin de l'œil en se félicitant de ne pas être dans ma peau…

Bon c'est vrai que je suis curieux… mais finalement je ne suis pas pressé de le découvrir ce monde inconnu d'où personne n'est jamais revenu…

Je me demande ce qu'il fout cet enfoiré de directeur, il en met du temps à revenir…

Il demande pas grand-chose l'autre pourtant…

Un million et une voiture…

C'est quoi un million pour une banque ?...

Rien !

Quand on voit qu'ils jouent avec les milliards comme moi les jetons pendant les parties de poker avec les potes !

Ils vont pas faire leur radin ! Ils n'ont qu'à lui donner, qu'il me lâche cet enfoiré de mes deux… qu'il enlève ce truc froid qu'il appuie tellement fort que j'ai maintenant l'impression de l'avoir incrusté dans la peau…

Des rangers… il a des rangers ce con !

Sûrement un cinglé de paramilitaire… fan de close combat et tout le tremblement, il n'y a qu'à voir comment il a étalé le garde…

J'ai aucune chance de pouvoir prendre le dessus… je n'ai pas d'autre choix que de rester là… en plus j'ai des fourmis dans les jambes à force d'être plié sur ce carrelage… la pression sur mes genoux commence à devenir insupportable…

Vivement que ça s'arrête…

Vivement que /…